mardi 3 juillet 2018

Le Reich de la Lune, Eclosion et La Contre-nature des choses

Je sais.

Je n'ai rien publié au mois de juin.

Mais j'ai une bonne excuse. C'était mon anniversaire, et j'ai reçu une Switch, donc autant vous dire que je n'ai pas tellement touché à mon ordinateur, que si j'ai joué à plein de jeux, je n'en ai pas fini un seul, et que le moindre instant libre, je l'ai passé sur Nintendo.

Du coup, pour changer, j'ai décidé de parler de livres. Je suis libraire, il n'y a pas de clients au boulot à conseiller en ce moment (et de toute façon je doute que ce soit réellement ça que la clientèle comme la direction attendent de moi), alors laissez-moi vous parler de deux livres qui sauront vous distraire pendant votre été caniculaire, quand le sable vitrifié par la chaleur implacable d'un soleil à son zénith vous empêchera d'atteindre l'eau et qu'il ne vous restera qu'un petit bout d'ombre misérable sous le parasol.

Le premier, c'est Le Reich de la Lune, de Johanna Sinisalo, aux éditions Actes Sud.


A l'origine, Johanna Sinisalo a écrit un scénario pour le film Iron Sky, que je n'ai pas vu, mais qui a l'air d'une série B assumée vaguement nanar, et que j'avais bien envie de voir à sa sortie.


Le résultat final étant bien loin des premiers jets du script de l'auteure, elle a décidé de remanier son propre travail pour en faire un roman (je tiens à préciser que Johanna Sinisalo ne renie à aucun moment le film et qu'elle est très fière d'y avoir participé).

Après la seconde guerre mondiale, les nazis se sont planqués sur la face cachée de la Lune, d'où ils préparent leur come-back fracassant. L'alunissage d'un Noir américain va précipiter leurs désirs de conquêtes, tout en les confrontant aux limites de leur savoir théorique de la vie sur Terre.

J'ai beaucoup aimé ce roman. Si le point de départ est gentiment débile, il est traité avec beaucoup de sérieux, et ne se limite pas qu'à un "olol des nazis sur la Lune". L'auteure met dos à dos la doctrine nazie et notre société contemporaine, sans se faire juge par ailleurs, mais simple observatrice, pour un résultat souvent drôle, mais également juste, ce qui provoque parfois un sentiment de malaise - souvent, même, quand le lecteur se retrouve en accord total avec la narratrice, Renate Richter, une nazie pure souche qui n'a connu que la Lune.

Après, il ne faut pas voir ce roman comme de la hard science, hein (j'ai pu lire que la description que la vie des nazis sur la Lune n'était pas très poussée, ni très réaliste ; je ne suis pas du tout d'accord avec ça), mais plutôt comme une fable politique, de la science fiction politiquement engagée. Car n'oubliez pas, mes amis, le nazisme, c'est pas cool.




L'autre livre, c'est Eclosion, d'Ezekiel Boone.

Une fois de plus, on flirte avec le nanar (vous commencez à voir un motif se répéter?), puisque là il s'agit de l'invasion de notre belle planète par des araignées. Des petites araignées. Plein de petites araignées carnivores. Des millions de petites araignées carnivores qui se déplacent comme une marée noire qui ne laisse que des cadavres sur son passage.

Mais une fois de plus, c'est bien foutu, et l'auteur ne se fout pas de la gueule de son lecteur avec une grosse dose de cynisme pour cacher le fait qu'il n'assume pas son histoire. Le roman est construit comme un film catastrophe, multipliant les points de vue de personnages à travers le monde, où, comme dans un film catastrophe toujours, on les suit un petit peu dans leur quotidien, offrant une petite digression souvent drôle et légère, avant que le cataclysme ne débarque.

C'est également un roman cruel, dans la mesure où n'importe qui peut y passer. Les personnages sont à la fois bien décrits et assez clichés pour qu'on identifie tout de suite à quel genre de personne on a affaire, ce qui permet de s'attacher (ou pas) à eux assez rapidement, et jubiler quand un connard se fait dévorer par une horde grouillante d'arachnides.

C'est prévu pour être une trilogie, la suite sort en septembre, allez-y, car même si c'est pas un chef d'oeuvre absolu du genre, c'est super bien rythmé et très divertissant.

Et là vous vous dîtes, "wow, le mec conseille deux livres, et ce sont deux livres des éditions Actes Sud, il a des actions chez eux ou quoi?"

Et vous vous posez une bonne question. Si ces deux livres sont édités par Actes Sud, c'est un pur hasard. Je n'ai pas de partenariat financier avec eux - ils ne payent pas leurs auteurs, ils ne vont pas payer un blogueur. Pour être parfaitement honnête, c'est même une maison d'édition dont je me méfie. Je n'aime pas trop leur posture "on est une petite structure indépendante" alors qu'ils sont énormes et brassent des fortunes. Il y a aussi une forme de snobisme intellectuel dans beaucoup de leurs livres qui me fatigue. Notre ministre de la culture, Françoise Nyssen, est éditrice chez Actes Sud. Vous voyez le tableau? Je pense également qu'ils sont conscients d'être de gros connards, car leurs représentants ont toujours été parmi les plus charismatiques, sympas, cultivés et détendus du gilet que j'ai rencontré, histoire de donner aux libraires une bonne image d'eux.

Mais après, ils publient également d'excellentes choses (heureusement), et depuis peu de temps ils se sont mis à la science fiction, avec la collection Exofictions, et ils ont sorti des choses vraiment bien, comme Eclosion et le Reich de la Lune donc, mais aussi The Expanse, que je trouve très sympathique.

Mais ils ont aussi édité un des pires livres que j'ai lu, La Contre-nature des choses, de Tony Burgess.


C'est un semi-poche qui ne fait même pas 200 pages, vendu plein pot (16,80 euros, des malades). Je vous préviens, je vais spoiler comme un porc.

Dans La Contre-nature des choses, quand les gens meurent, leurs corps continuent de bouger. Ce ne sont pas vraiment des zombies, c'est juste que les corps gigotent sans fin, comme des vers de terre. Ce qui fait que quand on les enterre, ils finissent par ressortir, et puis même, ça fait une terre remuante un peu dégueulasse, c'est pas propre quoi. Du coup, ils se sont dit qu'on allait brûler les cadavres gigoteurs dans des grands fours, mais quand ils ont essayé, ils se sont rendu compte que ça rappelait de mauvais souvenirs, tous ces corps remuants qui brûlent. Alors, idée de génie, ils ont décidé d'envoyer les cadavres dans l'espace. Il y a une société qui ramasse les cadavres (et il y en a partout, tout le temps), et les envoie autour de la terre en orbite basse. Mais il y a tellement de cadavres que le ciel est obstrué, on ne voit plus trop le jour, la lumière est filtrée par ces milliards de corps, ce qui fait que tout a une teinte un peu dégueulasse, et visiblement ça file des cancers et des maladies à tout le monde.

Ca, c'était pour le set-up. Dans ce monde déprimant où il n'y a aucun espoir, on suit un gars, le narrateur en fait, qui veut retrouver Dixon pour le buter. Dixon, c'est le plus gros dégueulasse de la terre. Il tue des villages entiers juste pour le fun (bon, pas que, mais surtout pour le fun), avec une imagination débordante. Il a cousu des pénis sur des fronts de cadavre, par exemple, pour voir ce que ça faisait. Ca devait faire rigolo, j'imagine, puisqu'il faut garder à l'esprit que le zizi continue de gigoter, même quand on l'a coupé. Son petit plaisir perso, c'est de coucher avec les cadavres de toute sorte, par tous les orifices, et parfois, il crée même de nouveaux orifices, pour de nouvelles sensations. Le gars est tellement cinglé, qu'il s'est fait une chapka avec un nouveau-né, et qu'il aime bien la porter car il aime la sensation des ses petits membres qui bouge autour de sa tête.

Bon, à ce moment du roman, j'étais déjà pas à l'aise.

Ca ne va pas aller en s'améliorant.

Puisqu'au bout d'un moment, le narrateur retrouve Dixon, mais il se fait avoir comme un bleu (en fait il faisait équipe avec un gamin qui vieillit trop vite et qui l'a trahit), et Dixon le séquestre. Il lui raconte un peu sa vie, son ennui, comment une fois il a découpé un zizi pour se le mettre dans le cul, pour voir jusqu'où il pourrait remonter (de très chouettes anecdotes, Dixon! Merci de partager mec!). Le pire passage du roman, c'est quand le Docteur, une nana qui accompagne Dixon, se balade les nichons a l'air et dit qu'elle a envie de baiser. Dixon lui fait comprendre que son truc à lui, ce sont les morts, désolé. Du coup, elle se rabat sur le narrateur, qui, à ce moment du roman, est un homme tronc sans langue et sans appareil génital (ah, oui, Dixon l'a séquestré, puis l'a torturé un peu), pour se faire rejoindre par le gamin atteint de la maladie de Mathusalem pour une scène de partouze absolument immonde. Je ne suis déjà pas fan des scènes de fesses dans les romans. Je trouve ça toujours maladroit et pas bien écrit, à côté de ses pompes en fait. Mais là. Wah. Je lisais ça dans les transports en commun, j'avais peur que quelqu'un lise par dessus mon épaule.

Bon, à la fin, le narrateur est emmailloté dans un linge, des cadavres tombe du ciel, tuent Dixon, le narrateur tombe à l'eau, il est récupéré par une vieille, ça fait genre biblique oh là là c'est Moïse, il se passe d'autres trucs vite fait, à la fin il voit un bout de ciel bleu, oh mon dieu l'espoir?

C'était NUL.

Et dégueulasse.

N'achetez-pas ce livre.

Lisez les deux premiers.

En tous cas peut-être que je ferai d'autres conseils de lecture, à l'occasion, si j'ai de bons retours de mes deux lecteurs, car j'ai pris du plaisir à les faire, autant que j'ai pris de plaisir à les lire (du moins les deux premiers).

Gros bisous, et pour ceux qui partent, bonnes vacances, et hydratez-vous.