J'ai toujours su parfaitement intégrer ma part de féminité tout en gardant mon hétérosexualité, et on serait tenté de croire que ça fait de moi un mec mortel capable de comprendre parfaitement les femmes et savoir anticiper leurs désirs, alors que dans les faits, je me fais souvent choper par ma femme en train de mater le cul des mecs (je les compare au mien).
Alors quand Gone Home est sorti, un jeu qui nous met dans les baskets d'une jeune femme de vingt ans enquêtant sur sa sœur disparue, je me suis dit : double combo de meufs! Ce jeu est tellement pour moi!
On est tout de suite dans le bain : un écran noir, la voix de Kate (le joueur, et je dis le joueur dans le sens large du terme, le joueur générique, sans chercher à mettre un genre dessus hein) la voix de Kate, donc, qui dit que son avion arrive vers une heure du matin et que ce n'est pas la peine de venir la chercher : elle a un bus, sérieux, elle se débrouille. Fondu enchainé sur la porte d'entrée, fermée à clef. Un mot manuscrit y est épinglé sur lequel on peut lire en substance : "Kate, ne me cherche pas, et si tu me trouves, ne dis pas aux parents à personne où je suis, Sam." Le premier objectif est de trouver la clef, que l'on débusque dans un placard, sous un pot. Et... c'est là l'essentiel du gameplay.
Voilà ce qui nous accueille passé la porte d'entrée. |
Il s'agit en effet de fouiller, tout le temps, partout, dans toutes les pièces. Le but étant de dénicher des notes, des extraits de journaux, des bulletins scolaires... bref, tous les bouts de papiers et indices qui trainent, que l'on doit lire et par le biais desquels l'histoire va avancer. De temps en temps, un extrait du journal intime de Sam va être débloqué, racontant son histoire personnelle depuis que sa famille a emménagé dans cette immense baraque. La plupart du temps vous allez juste apprendre quelque chose sur quelqu'un.
Mais là où le jeu fait très fort, c'est dans les petits trucs sans importance, sans intérêt au premier abord ; une carte postale anodine ou une place de concert coincée dans l'aération... Ceux-là donnent une cohérence et une crédibilité à l'univers (restreint, certes, tout se passe dans la maison) et à l'époque (on est en 1995). Mieux, en tant que joueur, cela nous permet de nous imaginer une histoire parallèle ; on comprend les relations entre les personnages, on relie les points que les développeurs ont éparpillé un peu partout pour former une véritable toile narrative, réellement fascinante.
C'est idiot, mais ça m'a fait beaucoup rigoler, et c'est typiquement le genre de trucs qu'auraient pu faire mes soeurs, ou ma femme (ouais, j'ai une femme, désolé les filles). |
Car bien que l'on ne croise personne de tout le jeu, les absents dont on lit les lettres personnelles et administratives prennent corps, et l'on finit par véritablement ressentir de l'empathie pour eux.
Mais ce n'est pas le seul aspect du jeu, qui flirte de façon très subtile, mais permanente, avec le fantastique. Et ce, quasiment dès le début. Bon, au delà de la maison qui semble s'être spontanément vidée de ses occupants, c'est en ramassant un magazine qui trainasse négligemment dans le salon avec écrit en gros STEPHEN KING et, un peu plus loin, un programme télé où est entourée X FILES que s'est durablement imprimé dans mon esprit la notion de PARANORMAL.
Grosse ambiance au fond du couloir. |
Je me suis d'ailleurs payé une frayeur monumentale à un moment, je parle d'un truc qui ma réellement fait hérissé les poils sur les bras et fait couler de la sueur froide le long de mon dos. Et je ne parle pas d'un jump scare à la con, mais d'une espèce de peur primale, infantile et irrationnelle, où je suis resté muet de terreur l'espace de quelques secondes. Du coup dans le jeu, en plus d'allumer toutes les lumières que je croisais (ce qu'il faut faire de toute façon, sinon on ne voit rien dans le noir, c'est logique), dès que je mettais la main sur une cassette je courrais la mettre dans le plus proche lecteur. La musique faisait une présence, un bruit qui couvrait tous les autres.
Un petit mot sur ces cassettes. Les développeurs ont utilisé de vraies chansons, interprétées par des groupes qui appartiennent au mouvement Riot Grrrrl, mouvement punk rock féministe engagé dans pas mal de choses. Leur son est cradingue, c'est bruyant, énergique et étrangement libérateur et cathartique (ah, y a du vocabulaire dans cet article), j'ai adoré.
Tes darons. |
Bon, pour faire court, j'ai beaucoup aimé ce jeu. Il se finit très vite (j'ai du mettre deux heures pour en faire le tour, pépère), l'histoire est simple, mais elle m'a vraiment touché car elle est très juste. L'ambiance est également incroyable, mais il demande au joueur de beaucoup s'investir, en fouinant partout, lisant tout ce qui nous tombe sous la main (english only, boys and girls), car c'est à ce prix qu'il se révèle. J'ai pu lire pas mal d'avis négatifs, à base de "ce jeu est un simulateur de marche" ou encore "c tro dla merde fdp", ce que je peux comprendre parfaitement. Il s'avère que moi, fouiller dans les petites affaires des gens dans une maison vide, c'est complètement ma came.
Mec j'ai une stat pour toi (véridique en plus), quand on demande à un panel de Japonais quelle est la première chose qu'ils regardent quand ils vont quelqu'un, 3% répondent "regarder dans leur poubelle". En lisant ton article, je me dis que tu ferais trop parti de ces 3%
RépondreSupprimerTu es bien placé pour savoir que ce que je visite en premier, ce sont les toilettes.
SupprimerEssayé environ 10 minutes et tout simplement une de mes priorités vidéoludique. Superbe travail de sound design, atmosphère franchement immersive (surtout au casque) et je suis aussi friand de jeux d'enquête/ exploration. Silent Hill Memories ne proposait que ça (hormis une concession malheureuse à quelques phases de poursuites). Une belle trouvaille, merci!
RépondreSupprimer