jeudi 22 septembre 2016

Stranger Things


La nostalgie peut-elle nous faire perdre tout sens critique ? Je serais tentée de dire oui sachant que je me surprend parfois à fredonner un guilleret refrain de Manau lors de mes rares moments d'égarement. L'humain est ainsi fait : il se plait à regretter l'insouciance de sa folle jeunesse (même si celle-ci était surtout constituée d'acné et de devoirs de maths) et, par voie de conséquence, tend à apprécier tout ce qui peut la lui rappeler.

Si l'on en croit la tendance actuelle, la production audiovisuelle des années 80 manque à un bon nombre de personnes. Il suffit de voir fleurir sur petits et grands écrans toutes sortes de remakes ou suites de films ou séries datées de l'ère visiblement bénie ou l'on écoutait the Cure avec une veste à épaulettes et une permulette déstructuée. "Ghostbusters", "Robocop", "Star wars", "Indiana jones"... autant de jolis souvenirs d'enfance récemment passés à la moulinette nostaligico-commerciale d' Hollywood de manière plus ou moins réussie. En ce qui me concerne, j'ai découvert cet univers sur le tard (15-20 ans), étant plus de la génération de "Richard au pays des livres magiques" que des "Goonies" (marrant, d'ailleurs, comme ce film a marqué mes goûts en matière d'hommes).
Est-ce pour cela que je n'ai que très peu gouté la nouvelle production Netflix ?

Stranger Things – nouveau poster
cette image a de la gueule
Pourtant je dois admettre que la série n'est pas exempte de qualités. Je citerai en premier lieu la photo ; l'atmosphère est envoutante, certains plans très réussis rappellent Spielberg dans ses meilleurs moments (plus E.T que le Terminal, donc). La musique, Carpenterisante à souhait (oui, correcteur Word, je sais que ce mot n'existe pas), donne un vrai charme retro à l'ensemble. Pour finir LA réussite de l’œuvre réside en particulier dans les décors et costumes, qui parviennent à reproduire les années 80 de manière très pertinente et sans tomber la caricature habituelle.
 
On ne peut pas en dire autant du reste. Comme on dit : tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise. Ou pour le dire autrement : la série fait tellement de (gros) clins d'œil aux productions Lucas/Spielberg et consort qu'elle finit par chopper une conjonctivite. A trop vouloir imiter les meilleurs, elle se prive de toute personnalité propre et devient donc comme la cruche citée ci-avant : creuse.  Soyons comme le personnage de Tom Hanks dans "Le Terminal" : bêtes et caricaturaux, et décrivons les 4 types de fictions auxquelles nous sommes le plus souvent confrontés :

1) une histoire basés sur des événements exceptionnels et dont les personnages, souvent archétypaux, servent juste à mener l'intrigue à bon port. Dans ce cas la psychologies des protagonistes importe peu car l’intérêt réside surtout dans les péripéties (je citerai de manière très subjective la trilogie Retour vers le futur - mes films préférés de tous les temps - le Seigneur des anneaux, Star wars, bref, des fictions empruntant à l'univers du conte ou de récit initiatique).

2) A l'inverse, une histoire ou les péripéties sont quasi absentes et ou les personnages comptent avant tout et ont donc une psychologie très travaillée. Ici l'intrigue est secondaire et sert surtout à mettre en avant les protganistes et à en brosser des portraits plus ou moins nuancés (Ghost world, Garden state ou Juno par exemple (oui j'ai décidé de ne citer que des films que j'aimais))

3) Jackpot ! On a une intrigue originale et/ou hors du commun ET les personnages sont approfondis et travaillés. Stephen King (qui est visiblement une des références utilisée par les créateurs de la série) et son Shining en sont un très bon exemple. Dans le catalogue Netflix, je vous conseille également la série des (désormais) soeurs Wachowski, Sense 8 qui, malgré ses défauts évidents, parvient à proposer une trame ambitieuse et des personnages rarement vus ailleurs.


4) Et là c'est le drame. On a des fictions comme Stranger things qui propose une histoire cliché pour faire années 80 ET des personnages fonctions pour faire "film d'aventures". Rien ne nous est épargné : les petits geeks rigolos, la mystérieuse gamine aux mystérieux pouvoirs (je la décrirai comme l'enfant contre nature d'E.T et de Liloo du 5e élément) la jolie-fille-populaire-mais-qui-est-quand-même-gentille, les méchants scientifiques qui bossent pour le méchant gouvernement, le flic dévasté par son divorce et la perte d'un enfant mais qui reste fidèle à ses principes, la mère hystérique qui passe les huit épisodes soit à sangloter, soit à hurler etc. etc.


Stranger Things plébiscité par Stephen King et Guillermo Del Toro
"Moultipass"


Nous avons affaire ici à des personnages ne se réduisant qu'à une caractéristique. Tout leurs traits de personnalité ne servent qu'à faire avancer l'histoire (par exemple, le fait que l'un des personnages aime la photo n'est pas anodin et va permettre à l'intrigue d'avancer) . Rien de superflu, on ne saura jamais si ils aiment le sport, quelle genre de nourriture ils mangent, quelles sont leurs passions, leurs peurs, leurs ambitions...

Ce ne serait pas gênant en soi si l'histoire n'avait pas été vue et revue douze milliards de fois. Les acteurs ne sont pas mauvais, mais comment éprouver une quelconque empathie pour des clichés de personnages à qui il arrive des clichés de péripéties ? On sait ce qui va leur arriver. On sait comment leurs aventures vont se terminer. Les seuls éléments qui je n'ai pas anticipé sont les incohérences de scénario, qui viennent vraiment, vraiment flinguer un récit déjà souffreteux et artificiellement étalé sur de trop nombreux épisodes (trois auraient suffit). Il est difficile ici de penser que cette série est autre chose qu'un produit calibré pour se conformer à la mode du moment, à savoir, le revival régressif.

A ceux qui objecteraient que Stranger things pourrait servir d'introduction aux films de genre des années 80 à un public de béotiens en la matière, et bien à ceux-là je répondrais : montrez leur les vrais films de l'époque, montrez leur E.T, montrez leur les Goonies, Gremlins, Stand by me... et surtout, SURTOUT Retour vers le futur (en tout objectivité). Car la copie ne vaut que très rarement l'original, toutes les suites et remakes que j'ai cités plus haut en sont la preuve. Regardez Jurrasik Park, pas Jurrasik world, regardez le vrai Robocop et, nom de dieu de bordel de merde, mettez toutes les copies d'Indiana Jones 4 que vous pourrez trouver au bûcher.

Ce qui me ramène donc à ma première question : La nostalgie peut-elle nous faire perdre tout sens critique ? Oui elle peut. Ce n'est pas pour ça qu'il faut la laisser faire.


Résultat de recherche d'images pour "retour vers le futur"
"C'est une sorte de série rétro, mais c'est raté"

1 commentaire:

  1. Vous avez oublié l'essentiel: il y a Matthew Modine dedans, et il fait tout vieux.

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